Chapitre 4

Période Omeyyade (661-750)

Dès la fin du VIIe siècle, l’écriture hijâzî est homogénéisée et retravaillée dans un contexte marqué par l’emploi, de plus en plus généralisé, de l’alphabet arabe au sein de l’Empire.  C’est à cette même époque que le calife omeyyade ‘Abd al-Malik (646 – 705) impose l’usage de l’écriture arabe dans la chancellerie. Cette période a été marquée par l’émergence du style kûfî, principalement utilisé pour écrire le Coran et orner les monuments. La mosquée du Dôme du Rocher (Masjid Qubbatul-Sakhra) à Jérusalem, décoré de citations coraniques, dans le style angulaire qualifié de kûfî, est un exemple emblématique de ce style d’écriture.

Manuscrit d’un Coran
Sourates CII à CX
VIIIe siècle
Mode : Kûfî ancien
Parchemin, 19,5 x 13 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-179

Calligraphie de la basmallah
Mode : Kûfî
Parchemin, 23,5 x 19,6 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-514

1. École de Koufa

C’est à Koufa, à partir du VIIIe siècle, qu’un nouveau style calligraphique dit « kûfî », visant à la perfection esthétique, apparaît à côté du hîjâzi. Ce sont les premiers styles utilisés pour l’écriture du Coran.

Les noms des précurseurs de cette première école ayant été oubliés, c‘est à Hassan al-Basri (642-728), l’un des premiers maillons de certaines chaînes spirituelles soufie, élève de Alî ibn Abî Tâlib (vers 600-661), que l’on fait remonter l’arbre de transmission de cet apprentissage.

1.1 Styles calligraphiques
Le Kûfî (VIIIe siècle)

L’écriture kûfî se démarque par ses lignes droites et anguleuses. Ces dernières sont caractérisées par l’usage de courts traits verticaux, de lignes horizontales prolongées qui finissent souvent par s’arrondir, et de blancs pour insérer une cadence régulière et séparer les mots. Le kûfî archaïque est particulièrement difficile à déchiffrer car exempt de vocalisation et de signes marquant les voyelles. Afin de faciliter la lecture, certains signes de couleurs devenant nécessaires sont ajoutés. Les calligraphes de ce style ont enrichi l’écriture kûfî, notamment par l’ajout de l’arabesque au début et à la fin du Saint Coran afin de décupler la beauté du caractère arabe en général.

Le développement du style kûfî a atteint son apogée à l’époque de la dynastie des abbassides, avec le recensement de plus de soixante-dix variantes d’écriture kûfî, dont :

  • Le kûfî rectangulaire (« shutranji » ou « jeu d’échecs »), surtout utilisé dans le décor architectural, par une mise en scène très géométrique (sous forme de labyrinthe) de cette écriture.
  • le kûfî fleuri, employé dans l’art du livre, notamment pour les pages de titres, la décoration de monuments, la poterie, la céramique, etc.
  • le kûfî en hampes entrelacées, devenu, depuis, un motif ornemental de choix dans l’art maghrébin, principalement dans l’art du plâtre sculpté ou ciselé.

1.2 Maîtres fondateurs

Khalid ibn al-Hayyâj (VIIe siècle)

Khalid ibn al-Hayyâj est le scribe officiel du calife Al-Walîd ibn Abdul Malik (668-715), connu pour son patronage des arts et de l’architecture islamiques. Outre son rôle dans la réalisation de projets architecturaux majeurs, il est connu comme auteur des calligraphies décorant la mosquée de Médine et pour sa contribution à la rédaction de nombreuses grandes et prestigieuses copies du Coran.

Feuillet d’un Coran
Sourate XI 49-50,
IXe siècle
Mode : Kûfî ancien
Parchemin, 29,4 x 20,8 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-513

Pendentif en jade néphrite
avec inscription en écriture kûfî
Sourate LXI, 13
2 x 4 cm
Fondation ADLANIA, Objets, OBJ-3589

Feuillet d’un Coran
Écriture en or sur fond bleu
Sourate XXX 28
Mode : Kûfî
Fondation ADLANIA,Manuscrits, MAN-630

Feuillet d’un Coran
Sourate XXXVI 25-27
Mode : Kûfî ancien
Parchemin, 20 x 28 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-575

2. École andalou-maghrébine
(929-1031)

Les Omeyyades d’Andalousie, également connus sous le nom d’al-Andalus, ont établi une dynastie califale en 929. Cette période a vu l’épanouissement d’un brillant foyer culturel qui a rayonné sur l’ensemble du bassin méditerranéen, donnant naissance à l’école al-maghribi. Le « Dâr al-islâm » englobe deux écoles de calligraphie islamique : al-mashriqî de l’Orient islamique et al-maghribî de l’Ouest de l’Égypte et de l’Europe du Sud  (Andalousie, Sicile,…) L’école al-maghribî, originaire de Kairouan, diffuse un style d’écriture kûfî occidental, caractérisé par des formes géométriques, des lettres carrées et des ornementations élaborées. Elle influence la calligraphie coranique, en donnant naissance à quatre variantes d’écriture : al-‘andalûsî, al-qayrawânî, le sudânîet le fâsî.

2.1 Styles calligraphiques

Maghribî

Le style d’écriture maghribî émerge au IXe siècle pour atteindre son apogée au XIe siècle. Il se caractérise par un tracé fin, des formes généreuses et une notation légèrement différente pour certaines lettres. Ce style cursif est couramment utilisé pour les textes religieux, administratifs et littéraires. On le retrouve dans la décoration des palais et des mosquées du Nord de l’Afrique et de l’Andalousie, notamment à l’Alhambra (Grenade). Parmi les célèbres calligraphes du style maghribî, figure Ibn al-Jazarî, savant musulman (1350 – 1429) ayant vécu en Andalousie.

Andalûsî

Le style calligraphique andalûsî prospère en Andalousie du IXe au XVe siècle. Lié à l’école maghribî, il se caractérise par des formes courbes et fluides, avec une attention à l’harmonie des lignes et à l’équilibre des compositions. Les lettres sont ornées de motifs floraux et géométriques, les manuscrits se parent de couleurs chatoyantes et d’or.

Utilisée dans les mosquées, les palais et les madrasas, la calligraphie andalûsî orne les décorations murales et architecturales avec des versets coraniques, des poèmes et des inscriptions décoratives, ajoutant une touche esthétique aux espaces. L’andalûsî, originaire de Cordoue, fusionne avec le style fâsî après le départ des Arabes des terres andalouses.

Les chroniqueurs de l’époque rapportent que Aïcha bint Ahmad bin Muhammad bin Qâdim al-Qurtubiyya (m. 1009), issue d’une famille célèbre de lettrés de Cordoue, est l’un des grands esprits qui a brillé en Andalousie. Poétesse à l’époque du règne d’Al-Mansûr (714-775) et de ses fils, elle est aussi connue pour son art de la calligraphie. Elle a notamment reproduit plusieurs copies du Coran.

Sudanî (Xe siècle)

La calligraphie sudanî est un style développé en Afrique de l’Ouest. Elle se caractérise par des traits fluides, des courbes douces et des lettres ornées, tout en intégrant des éléments artistiques locaux. Utilisée pour les textes religieux, les poèmes et les documents administratifs, elle exprime la culture et l’art de l’Afrique de l’Ouest à travers différents styles calligraphiques al-sûqî, al-sahrâwî, al-hawsî , al-maghribî et al-charqî.

Mesure d’aumône (Mudd) avec des inscriptions calligraphiques
Date de fabrication : 1504
Mohamed Ibn Abderahman
Cuivre
Fondation ADLANIA, Objets, OBJ-3060

Feuillet d’un Coran
Sourate IX 83-84
Mode : Kûfî qayrawânî
Papier, 13 x 9,5
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-180

Manuscrit d’un Coran
Sourate II 72-76
Mode : Sudânî
Papier, 20 x 16 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-118

Recueil de Hadiths
Al-Bukhârî, al-Jâmi’ al-Sahîh
Tunisie, XIVe siècle
Mode : Maghribî
Papier, 21 x 19 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-199

2.2 Maîtres fondateurs

Al-Jazarî al-Saqqa (1185-1256) est un calligraphe arabe, né à Cordoue. Il est connu pour son rôle dans le développement du style maghribî et ses compositions calligraphiques. C’est également un expert dans l’art de la composition de l’encre et des couleurs utilisées dans l’écriture arabe. Il a perfectionné ses propres mélanges d’encre en expérimentant l’usage de pigments pour obtenir des nuances spécifiques.

Al-Sharafî (environ 1266-1323) est un éminent calligraphe maghrébin de l’époque des Mérinides. Il est réputé pour ses contributions significatives à l’école maghribî-andalouse. Son style calligraphique est reconnu pour son raffinement et ses éléments décoratifs complexes.

Muhammad as-Soufî (XIIIe siècle) a vécu dans la région de Valence (Espagne). Il lègue à la postérité un manuscrit du Coran, calligraphié et enrichi de belles enluminures daté de 1285, dont la spécificité consiste dans le fait que les titres de certaines sourates diffèrent de ceux retenus dans la version actuelle du Coran.

Manuscrit d’un Coran
Sourates CIX à CXIV avec colophon
1558
Copiste : Abd Allâh al-Sūfī
Mode : Maghribî
Papier, 22,5 x 18 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-123