Prédécesseurs de l’empire Ottoman, les Seldjoukides (du XIe – XIIIe siècle), ont laissé leur empreinte artistique et culturelle en Turquie, en Iran et en Irak. La calligraphie de cette période préserve les styles classiques arabes tout en développant de nouvelles formes, dont le style thuluth-seldjoukide. Utilisé pour les inscriptions monumentales, il se caractérise par ses courbes gracieuses et l’harmonie entre traits épais et fins.
Les Seldjoukides ont favorisé les échanges culturels, fusionnant les traditions calligraphiques persanes, arabes et turques, et utilisant des matériaux précieux pour conférer un éclat somptueux à leurs œuvres.
L’école ottomane se déploie et prospère dans l’Empire ottoman, du XVe au XXe siècle. Elle est influencée par les styles antérieurs, tels que le thuluth, le naskhî et le tâ’lîq, tout en développant ses propres caractéristiques.
Dans l’Empire ottoman, la calligraphie est largement encouragée et soutenue par les sultans et l’élite artistique. Le mécénat de cour des sultans ottomans produit des milliers de Corans et de manuscrits enluminés. Istanbul devient un foyer de l’expression calligraphique qui accapare les édifices civils et religieux. Elle atteint son apogée sous le règne du sultan Abdelmadjid 1er (1823-1861), qui crée la première Académie de calligraphie pour promouvoir cet art.
1. Styles calligraphiques
1.1 Ruq’â (XVe siècle)
L’écriture ruq’â (dite « petite feuille ») a acquis une popularité qui, aujourd’hui encore, est loin d’être démentie. C’est une écriture typiquement ottomane, qui se répand avec la domination turque au XVe siècle. Les lettres du ruq’â sont courtes et ramassées, en dehors des lignes droites, selon une horizontalité légèrement pointillée et s’écrivent en se liant l’une à l’autre.
C’est un style sobre et trapu, utilisé dans les écrits quotidiens ou des missives courantes, d’où son nom. Il se caractérise par son intégrité et sa beauté, sa facilité d’écriture et de lecture, et sa simplicité.
1.2 Diwânî (XVe siècle)
Le Diwânî est un des styles les plus élégants et artistiques de la calligraphie arabe. Son nom découle du mot persan diwân qui signifie administration et par extension « conseil impérial ». Il désigne aussi un recueil de poésies dans la tradition soufie. Il est apparu au XVe siècle à la période ottomane et a été codifié à la même époque par Ibrahim Munîf (XVe siècle). L’idée directrice de sa création est d’empêcher toute altération du texte, se différenciant ainsi de l’écriture religieuse ou scientifique. C’est par excellence, l’art de la chancellerie et de sa puissance officielle.
Le style diwânî se distingue par de grandes boucles qui s’accumulent sous les lignes et des hampes peu accentuées, lui octroyant un air de grandeur et de majesté. D’une nature plus structurée et totalement cursive, il est dépourvu de points et de signes vocaliques et offre à son calligraphe une autre voie d’accès : le diwâni-jali, à usage strictement décoratif.
1.3 La signature : la Tughra
La tughra est un mot turc qui désigne le monogramme calligraphié des sultans ottomans. Elle est une œuvre en soi dans certains styles d’écriture. Sa composition renferme des renseignements comme, par exemple, le nom du souverain. Elle peut être aussi utilisée comme un talisman avec la calligraphie de versets et de formules coraniques. Elle atteint sa forme classique sous Soliman le Magnifique (1494-1566) et devient un exercice calligraphique à part entière dans l’Empire ottoman.
1.5 Hilya
La tradition sunnite, proscrivant toute représentation physique du Prophète Muhammad, les croyants étaient libres d’imaginer mentalement à partir de la description qu’en a fait l’imam Ali Ibn Abî Tâleb, son neveu et gendre. Elle donne naissance à la hilya, un ornement calligraphié exprimant leur amour et respect envers le Prophète. Au fil de l’histoire, cette pratique gagne en popularité, notamment dans l’empire ottoman et au Maghreb. Les calligraphes créent différentes versions, mêlant des versets coraniques, des poèmes et des symboles, faisant ainsi de la hilya une expression artistique précieuse de vénération envers le Prophète.
Calligraphie des attributs divins et des noms du Prophète
1890
Copiste : Zubayr
Modes : Thuluth et Tughra
Papier, 83,8 x 61 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-457
Firman (Décret du souverain) ottoman avec signature enluminée
Modes : Diwânî et Tughra
Papier, 75,5 x 25,5 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-417
2. Maîtres fondateurs
2.1 Cheikh Hamdullah Chelebî (1436-1520)
C’est un éminent calligraphe et l’un des fondateurs de l’école ottomane. Originaire d’Amasya, en Turquie, il étudie auprès de maîtres calligraphes renommés de son époque, ce qui lui permet de maîtriser avec excellence divers styles calligraphiques tels que le thuluth, le naskhî et le tâ’lîq.
Admiré par de très nombreux calligraphes, Sheikh Hamdullah est une source d’influence et de respect pour eux. En tant que précepteur du sultan Bayezid II (1447-1512), il est nommé à la tête de la darga des Derviches (sanctuaire soufi, équivalent de zaouïa au Maghreb). Cette proximité avec son souverain lui permet non seulement de perfectionner son style, mais aussi de trouver des moyens de transmettre l’enseignement du célèbre calligraphe, Yâqût al Musta’simî (1203-1298).
2.2 Fatima al-’Ânî (XVIe siècle)
Surnommée « la femme copiste », Fatima al-’Ânî demeure une figure mystérieuse de la calligraphie. Bien que peu d’informations soient disponibles sur elle, on suppose qu’elle a suivi les enseignements de Cheikh Hamdullah (1436-1520). Sa calligraphie est élégante et son goût sûr. Poétesse, elle compose aussi des vers gracieux.
Dans les pas de ses illustres devancières dans l’art de la calligraphie, Fatima al-’Ânî s’est adonnée à la contemplation de l’écriture, en quête incessante de livres à venir. Elle figure parmi ces femmes artistes qui manient avec grâce la calligraphie.

Aspersoir à eau de rose
23 x 9 cm
Fondation ADLANIA, Objets, OBJ-3063