La calligraphie arabe

Dans le cadre de la préservation et de la transmission du patrimoine culturel et artistique de la civilisation musulmane, la Fondation ADLANIA nous invite à explorer l’univers de l’écriture arabe depuis son origine jusqu’à ce jour.

La calligraphie arabe figure sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, depuis le 14 décembre 2021. Cette reconnaissance comme art majeur, représentatif de l’ensemble du monde musulman, aurait été certainement approuvé par le poète allemand Goethe (1789 – 1832), lui qui affirmait, il y a deux siècles : « Aucune langue n’a eu le destin de cette harmonie entre l’âme, le mot et la calligraphie comme cela est dans la langue arabe ».

Nimbée d’une aura sacrée, son rôle est de faire percevoir l’éternelle beauté du texte coranique tout en transmettant le message de la Parole divine. Les copistes musulmans ont perfectionné cette discipline avec précision, la désignant par le terme arabe “khatt” (trait).

Cet art, omniprésent dans le paysage visuel dès les premiers temps de l’Islam, demeure une tradition ininterrompue, transmise de génération en génération.
 

Cheikh Khaled Bentounes

Histoire de l’Écriture

L’histoire de l’écriture, l’un des piliers de la civilisation humaine, débute il y a environ 14 siècles avant notre ère. L’écriture arabe connaît, quant à elle, une évolution significative, passant de ses formes primitives à sa forme actuelle.

Arbre généalogique de l’évolution des écritures avant l’ère commune

Écriture et Sacré

En 653, le calife ‘Uthmân (574-656) unifia les textes du Coran pour créer une version officielle (al-Mushaf al-’Uthmânî). L’écriture arabe se propageant, la calligraphie devient une composante majeure de l’art arabo-musulman grâce aux premiers manuscrits du Coran.

Dans les arts islamiques, la calligraphie arabe va au-delà de sa fonction utilitaire ou décorative. Elle devient une expression vivante et un moyen de contemplation. Elle transcende la simple fixation de mots ou de formes artistiques, révélant le sens, le symbolisme et l’étonnement. Telle une partition musicale, elle attend d’être interprétée, nous incitant à lire le vaste livre du monde et à comprendre l’essence du décret divin.

Calligraphie stylisée en forme de mosquée
(Et Allah est tout-puissant sur toute chose)
1897, Mode : Thuluth, Papier, 60,5 x 51,2 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-480

Période Mecquoise et Médinoise

(610-661)

Au début du VIIe siècle, la révélation du Coran est notée par un groupe restreint de scribes, dont Ali ibn Abî Talib, ‘Uthmân ibn ‘Affân et d’autres figures notables, marquant ainsi la période Mecquoise et Médinoise. 

Les femmes calligraphes participent à l’apprentissage et à la transmission de l’écriture et du savoir. Elles sont encouragées par
le Prophète à étudier, à l’instar de la mecquoise Al-Shifa bint ‘Abdullah al-Qurashiyyah al-Adawiya (m. 640) dont on rapporte qu’il lui demanda d’enseigner son épouse Hafsa (605-661).

Le style calligraphique émergeant, connu sous le nom de Hijâzî, se distingue par ses formes angulaires et généreuses, avec des lettres élancées dont les hampes verticales penchent vers la droite. Cette écriture était principalement utilisée pour copier le Coran à l’époque, comme le rapporte Ibn al-Nadîm (m. 990) dans son catalogue (Al-Fihrist).

Inscription du Wâdî al-Châmiya
(à quelques dizaines de kilomètres au Nord-Est de la Mecque)

Période omeyyade

(661-750)

La période omeyyade (661-750) a vu l’homogénéisation de l’écriture hijâzî et l’émergence du style calligraphique kûfî, largement utilisé pour l’écriture du Coran et pour l’ornementation des monuments. L’école de Koufa, qui a produit ce style, a vu ses débuts vers le VIIIe siècle sous l’influence de Hassan al-Basrî (642-728). L’écriture kûfî se démarque par ses lignes droites, ses formes anguleuses et l’utilisation de blancs (espaces), pour séparer les mots, atteignant son apogée pendant la période abbasside avec plus de soixante-dix variantes.

Manuscrit d’un Coran Sourates CII à CX
VIIIe siècle, mode : Kûfî ancien, parchemin, 19,5 x 13 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-179

Période abbasside

(750-1258)

Durant la période abbasside (750-1258), la calligraphie arabe connaît une diversification et une sophistication remarquables. L’émergence de l’écriture cursive, connue sous le nom de naskhî, au Xe siècle, marque une rupture avec le style angulaire kûfî. Cette transformation radicale est dûe à trois grands calligraphes qui ont perfectionné la théorisation et la pratique de l’écriture cursive : Ibn Muqla (886-940), Ibn Bawwâb (m.1022) et Al-Musta’simî (1203-1298). 

Manuscrit d’un Coran
Sourates XCI – XCII – XCIII et XCIV
Bagdad, 1001
Copiste : Ibn al-Bawwâb (m. 1022)
Papier, 17,7 x 13,7 cm
Modes : Naskhî et Thuluth
Chester Beatty Library, Is 1431

Période persane

(du Xe au XVIIe siècle)

Pendant des siècles, la calligraphie persane a prospéré, atteignant son apogée entre les XIIIe et XVIIe siècles avec l’émergence de styles raffinés tels que le tâ’lîq et le nasta’liq. Des maîtres éminents, tels que Mir Ali Tabrizî (1330-1446), Mir Imâd al-Hassanî (1554-1615) et Mirza Gholamreza Isfahânî (1830-1886), ont façonné et enrichi cet art de leur génie créatif et de leur maîtrise technique. 

Manuscrit du Mesnevi
de Djalâl al-Dîn Rumî
Iran, XVe siècle, mode : Naskhî
Papier, 20 x 12 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-195

Période mamelouke d’Égypte

(1250 – 1517)

Pendant cette période, la calligraphie arabe atteint de nouveaux sommets grâce au mécénat des sultans mamelouks soutenant des calligraphes tels que Muhammad ibn Ahmad al-Zaftâwî (1349-1403) et Zayn al-dîn Abd al-Rahmân b. Yûsuf, également connu sous le nom d’Ibn Sâ’igh (1367-1442). 

Manuscrit d’un Coran
Sourate V 84-88
Modes : Naskhî et Thuluth
Papier, 29,5 x 21 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-599

Période ottomane

(1299-1923)

Pendant la période ottomane (1299-1923), la calligraphie arabe atteint un certain niveau d’excellence avec l’émergence de l’école ottomane et l’introduction de styles tels que le ruq’â, le diwânî, la tughra et la hilya. Les calligraphes ottomans créent des styles uniques qui reflètent à la fois le génie et la majesté de l’Empire ottoman.

Le ruq’â, caractérisé par sa sobriété et sa simplicité, se répand avec la domination turque au XVe siècle, tandis que le diwânî, apparu au même moment, devient l’art de la chancellerie et de la puissance officielle.

Calligraphie des attributs divins et des noms du Prophète
1890
Copiste : Zubayr
Modes : Thuluth et Tughra
Papier, 83,8 x 61 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-457

Instruments et supports de l’écriture

Pendant des siècles, les calligraphes ont utilisé divers instruments et supports pour écrire et créer leurs œuvres. Les calames, taillés dans le roseau ou d’autres matériaux précieux tels que l’os, l’argent et l’or, étaient essentiels pour la calligraphie. Leur taille précise et leur préparation soignée étaient nécessaires pour obtenir des tracés impeccables. Les outils tels que le canif et le tailloir étaient utilisés pour tailler les calames, tandis que l’encrier, rempli d’une encre spécialement préparée, permettait aux calligraphes de donner vie à leurs créations. Différents types d’encre, comme le middâd et le hibr, étaient utilisés pour leurs propriétés spécifiques, certains contenant des ingrédients variés tels que l’alun, le safran, le miel et l’eau de rose.

Écritoire, Plumier (Qalamadan) avec encrier
calligraphie du verset 85 de la sourate XXI
20 x 2,5 cm
Fondation ADLANIA, Objets, OBJ-1588

Tradition et transmission

Le concept de tradition est fondamentalement lié à la transmission de connaissances et d’innovations à travers les générations. Bien loin d’être figée, celle-ci se perpétue grâce à de nouvelles contributions, comme observé dans l’art de la calligraphie qui allie continuellement la tradition à la modernité. Cette pratique illustre également l’éthique de la calligraphie, nommée “adâb al-khatt“, qui lie l’expression artistique à la spiritualité, mettant en évidence la géométrie spirituelle qui réside dans la pratique de former et de relier des lettres et des mots. L’apprentissage de cet art se fait principalement par la relation étroite entre le maître et le disciple, rappelant le rôle essentiel de l’écoute, de l’observation et de l’acquisition d’un savoir qui donne sens. C’est la suprême récompense du maître qui transmet la connaissance.

Rouleau arbre généalogique d’Adam jusqu’aux sultans ottomans
Modes : Naskhî et Thuluth
Papier, 450 x 26 cm
Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-608

Calligraphes d’aujourd’hui

Fondation ADLANIA, Manuscrits, MAN-564

Réalisation sous la Direction de 
Cheikh Khaled Bentounes

CALLIGRAPHIE ARABE
L’Encre Le Point Le Trait